Les gouttes de pluie

Je ne sais jamais ce que je vais capturer avec l’objectif de mon appareil photo, le plaisir est un des sentiments que je ressens quand je place mon oeil sur le viseur et regarde à travers mon objectif.  Je peux voir les détails d’une fleur ou avoir la surprise de surprendre au milieu du pré ‘une limace accrochée à la tige d’un dandelion qu’il a grimpé.  J’ai passé plusieurs jours à essayer de capturer le portrait parfait d’une abeille mais je n’ai pas encore réussi à le faire pour l’instant.  Mes oreilles écoutaient attentivement le bourdonnement, mon doigt prêt à cliquer dès que j’en voyais une, mais les abeilles se révélèrent trop rapides pour mon index et mes réflexes.  C’est un bon exercice de patience.  Mes photos ne font pas justice à ces importants et intéressants insectes.

J’ai appris à enquêter sur tout ce qui attire mon attention depuis l’extérieur même quand je suis occupée car je ne suis jamais déçue par ce que je découvre, comme le jour où j’ai vu une grande ombre qui glissait sur le sol le long de la maison.  Intriguée par cette ombre qui me semblait être trop grande pour être celle d’un corbeau, je suis donc sortie pour enquêter.  Levant la tête ma main en visière pour protéger mes yeux contre les reflets du soleil, je fus accueillie par la vision d’un pygargue à tête blanche qui volait en spiral de plus en plus haut pour aller en rejoindre deux autres à tête blanche qui planaient et glissaient dans le vent.  J’ai pu admirer leur grâce et leur beauté pendant plusieurs minutes avant qu’ils disparaissent de ma vue.  Un beau spectacle qui n’a fait que de donner raison et renforcer les sentiments que j’avais d’être plus attentive et de suivre cette petite voix qui m’exhorte à aller voir ce qui se passe en dehors de moi.  Ces petites inclinations sont comme des invitations subtiles de l’univers à me prélasser dans sa conception, sa beauté, elles me font toujours me sentir reconnaissante pour le monde intéressant dans lequel nous avons tous accès.

Je ne sais jamais ce que je verrais, entendrais ou ce dont quoi je serais le témoin quand j’écoute et suis ces envies qui me poussent à agir.  C’est pour cela qu’un matin j’ai pris le temps d’enquêter le mouvement que le coin de mon œil avait détecté en passant devant les portes vitrées qui s’ouvrent sur le jardin.  J’étais curieuse de savoir ce qui avait provoqué le mouvement dans le cerisier.  Peut-être était-ce un bourdon qui était pressé de trouver une fleur à butiner ou peut-être était-ce un des colibris qui zoomait vers ou depuis le mangeoire. Mais au lieu du battement d’ailes ou du bourdonnement d’un bourdon, j’ai été accueillie par quelques grosses gouttes de pluie.  Seules quelques gouttelettes tombaient pour l’instant, lentement une gouttelette atterrissait sur une feuille la faisant archer en révérence avant qu’elle ne se redresse, puis une autre dans une autre partie de l’arbre, c’était comme si un conducteur invisible dirigeait une danse parmi le feuillage.  Alors que mes yeux essayaient de captiver chaque feuille trempée, je me sentais heureuse d’être le témoin de cette symphonie silencieuse.  A l’abri du temps debout derrière la fenêtre ma tasse de thé dans la main, je reflétais sur les subtilités de la pluie, sur son pouvoir non seulement de m’amuser et de raviver le jardin mais aussi sur son pouvoir de noyer les plantes, de casser des tiges des fleurs et d’éroder le sol qui retient les arbres jusqu’à ce que certains tombent et s’écrasent au sol.  Mais pour l’instant je voyais son côté doux.  La pluie prenait du rythme, l’orage s’était déclaré, je m’éloignais de la fenêtre pour aller finir ce que j’avais commencé avant ma distraction baignée par le son de milliers de gouttes qui s’écrasaient sur le toit et contre les fenêtres.

Le lendemain matin, alors que j’étais assise à table en buvant mon thé, je me rendais compte que la pluie avait cessé, curieuse je tournais la tête pour voir si il y avait une opportunité de photographier les plantes mouillées.  En regardant le rhododendron de l’autre côté des fenêtres, je remarquais les différentes façons dont les gouttes de pluie étaient positionnées sur le feuillage, les branches et les fleurs.  En les examinant de plus près, je me suis bien sûr posée des questions.  “Si j’étais une goutte de pluie, laquelle serais-je?” “Serais-je celle qui est suspendue à la branche prête à lâcher prise et à franchir le pas, confiante de moi, de savoir dans mon coeur exactement quoi faire?” “Serais-je celle qui est au bord de la feuille qui ne sait pas quoi faire, attendant que les autres gouttelettes me le disent ou me poussent dans le vide, les décisions choisies pour moi?”  “Serais-je celle qui apprécie ou elle a atterri sans inquiétude de ce qui va m’arriver?” “Serais-je celle qui avait atterri sur la rose ou la fleur du rhododendron dans le but de mettre en valeur leurs couleurs et leurs détails?”  J’ai été et je suis des fois ces différentes gouttelettes suivant les moments ou les situations.  Il n’est pas facile de garder les bonnes habitudes apprises ou de ne pas se laisser influencer par les autres,   Comme la pluie dans le jardin, les leçons que la vie nous présentent sont souvent bénéfiques mais elles peuvent aussi nous déraciner.  Après la pluie vient le soleil qui brille encore plus fort.

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