Alors que je songeais à l’année écoulée, le souvenir d’une photo d’un escargot que j’avais prise m’est venue à l’esprit. C’était une photo que j’avais prise pendant la période à laquelle j’avais visité ma mère. Pendant des années j’avais rendu visite à ma famille pendant l’été car cela coïncidait avec les congés de mes filles. Mais cette année, je rendais visite à ma mère pour l’aider après son opération, à notre joie, c’était un automne particulièrement coloré. Nous allions marcher pratiquement tous les jours ensemble, bien que parfois j’y allais toute seule en fonction de la météo ou de son état général. A chaque fois que je suivais le chemin qui traversait les vignes, j’avais l’impression de faire partie d’un tableau vivant. Les feuilles des vignes formaient les plus belles toiles que j’ai jamais éprouvées jusqu’à ce moment-là. Leurs rouges, oranges, jaunes et verts donnaient de la profondeur et de la vie à ce magnifique paysage. Je ne voulais pas louper un jour de visite à ces couleurs, donc aussi souvent que possible je suivais la route à travers le village jusqu’aux parcelles en terrasses colorées qui recouvraient le flanc de la montagne. Nous avions eu la chance d’avoir un temps ensoleillé et frais qui nous avait permis d’assister à cette belle symphonie de couleurs. Mais la pluie avait pointé son nez, pendant une des pauses entre les averses je décidais d’aller prendre l’air. L’eau de pluie avait rendu l’asphalte d’un noir brillant et scintillant. Après avoir laissé le village derrière moi, je remarquais que la route était encombrée d’escargots, c’était presque comme si quelqu’un avait jeté des petits cailloux partout sur la route. A en juger par leurs tailles, ils étaient assez jeunes, ils devaient tous avoir éclos en même temps. Je me demandais où ils s’étaient cachés jusqu’à aujourd’hui. Après en avoir déplacé quelques-uns le long du bord de la route, je me posais la question “est-ce une bonne idée de le faire?” Après tout, je n’avais aucune idée de leur destination. Voulaient-ils que j’interfère, et si mon interférence faisait plus de mal que de bien, et si je les avais remis du côté d’où ils étaient partis. J’avais essayé de les déplacer vers la direction dont leurs antennes et pieds pointaient, mais je n’avais aucun moyen de savoir si j’avais bien interprété leur langage, peut-être se dévisageaient-ils. De toute façon, il y en avait trop pour que je puisse tous les déplacer. J’espérais que ceux que j’avais déjà déménagés ne se demandaient pas ce qui venait de se passer. Ils n’avaient jamais volé auparavant, cela dût être une expérience étrange pour eux, mais je ne peux pas parler pour les escargots. J’espérais que mon interférence ne les avait pas mis en danger ou en contact avec des prédateurs. Les voitures et les chiens seraient le problème vu qu’ils se déplacent sans remarquer sur quoi ils roulent ou marchent, mais à cette période de l’année, il n’y a pas beaucoup de circulation car les vendanges étaient terminées et il était encore tôt pour la taille. J’avais remarqué que les promeneurs avec ou sans chiens étaient plus nombreux dans l’après-midi, donc les escargots avaient plusieurs heures pour ramper lentement vers leur destination que ça soit d’un côté ou de l’autre de la route.
Après avoir lâché toute responsabilité pour la vie de tous les escargots qui m’entouraient, j’ai ralenti mon rythme pour pouvoir les admirer. Certains d’entre eux brillaient comme des perles sur l’asphalte sombre et humide, dès que je me penchais pour les regarder de plus près et les photographier avec mon téléphone, ils se cachaient rapidement dans leurs coquilles. Mince, j’avais besoin d’avoir des mouvements plus lent et délibéré si je voulais capturer un escargot, avec ses tentacules et son pied. J’ai choisi de reculer, leur donnant de l’espace, cherchant un meilleur angle pour les attraper en pleine gloire. J’ai été ravie de pouvoir en photographier pour pouvoir partager leurs éclats avec ma maman. En avançant plus loin, j’ai remarqué qu’un des escargots avait une coquille en forme de cône. Je me suis arrêtée émerveillée pour prendre une photo, alors que je contournais lentement d’autres escargots, j’en trouvais quelques autres aussi qui avaient des coquilles en forme de cône. Je trouvais cela très intéressant car depuis l’enfance je me souvenais seulement d’avoir vu des escargots avec des coquilles rondes. J’en suis sûre car, quand j’étais enfant, j’aimais tracer les spirales des coquilles vides avec mon index et je me demandais ce qui était arrivé au gastéropode qui avait eu l’habitude d’y faire sa maison. Enfant, j’adorais me mettre à leur niveau et étudier les mouvements de leurs pieds et de leurs tentacules. J’avais du plaisir à voir recroqueviller leurs pieds et se retirer dans leurs coquilles quand ils sentaient ma présence, je m’éloignais et attendais qu’ils en ressortent pour les voir grignoter un pissenlit ou une feuille de laitue. Pendant l’été, je trouvais des coquilles scellées. J’avais hâte de les voir à nouveau errer librement. Où étaient ces coquilles en forme de cône à l’époque, y en avait-il?
La première fois que j’ai vu une coquille en forme de cône, c’était pendant des vacances à Hawaï. Je l’avais découverte par hasard pendant une de mes promenades matinale, cet objet blanc dans le tallus avait attiré mon regard. Je m’étais arrêtée pour l’examiner de plus près et j’avais décidé de la ramener chez moi. Je ne suis pas restée là assez longtemps pour croiser des escargots vivants. Ma mère avait ramené une énorme coquille d’Afrique du Sud, également en forme de cône que j’admirais chaque fois que je lui rendais visite. Quand j’ai finalement rendu visite à mon frère et à sa famille en Afrique du Sud, j’espérais en voir un contenant un gastéropode. Mon souhait fut exaucé lors d’une de nos promenades matinales. Mon frère en découvrit un qui traversait le sentier. Il le souleva pour me le montrer de près, quel beau spécimen géant, son pied était plus grand que la paume de sa main. Quelle chance de voir cet animal dont j’avais entendu parler et seulement vu en photo. Bien sûr, je souhaitais trouver une coquille vide pour ma collection. Quelques jours plus tard, alors que je marchais sur le même chemin, alors que je parcourais la colonne de cailloux qui séparait la voie en deux, une des pierres attirat mon regard. Elle avait une allure différente des autres. Je me baissais ayant du mal a croire que ce que je voyais était en effet une coquille d’escargot vide. Alleluia! Elle était plus petite que celle qui avait croisé notre chemin mais je m’en fichais. Triomphalement, je l’emballais avec soin pour son long chemin en avion.
Tout en enjambant les escargots, je me posais la question “est-ce ce phénomène qu’on appelle l’illusion de fréquence dont j’ai souvent entendu parlé. Une fois que vous voyez quelque chose comme des escargots en forme de cône, vous commencez à les voir partout? Peut-être qu’après avoir remarqué ces escargots en forme de cône et apprécier leurs formes, mon cerveau était conditionné à voir des escargots en forme de cône parmi les escargots arrondis. Je ne m’attendais pas à en voir ce jour-là car je n’en avais jamais vu auparavant dans cette région, mais évidemment mon cerveau s’y attendait. Comme un laser, il me les signalait. Je me sentais heureuse de retrouver tous les sentiments que ces escargots ramenaient en moi, c’était la même joie que j’avais ressenti il y a toutes ces années en arrière.
Les escargots sont des créatures intéressantes, ils rampent lentement dans notre monde. Pour les humains, le rythme d’un escargot est horriblement lent, mais il va en fait où il veut aller. Pour les humains, même si notre rythme est rapide, nous ne semblons pas aller très loin, nous restons souvent coincés là où nous ne voulons pas être. Le rythme d’un escargot leur permet d’être vus, admirés, examinés et de nous émerveillés par leur présence. Ralentir, prendre le temps de regarder quelque chose de petit est généralement ce qu’il faut pour se sentir connecté au monde dans lequel nous vivons. Comme le dit le proverbe, prenez le temps de sentir les roses. Ralentir nous permet de voir les détails de ce qui nous entoure. La nature nous offre des merveilles, c’est une image vivante en constante évolution. Un escargot n’a pas d’oreilles, il est fragile et pourtant il vit et survit dans un monde peuplé de créatures de toutes tailles. Voir autant d’escargots sur la route ce jour-là m’a fait réaliser que nous devons tous prendre des risques, la vie est accompagnée de nombreuses difficultés mais aussi de nombreux moments de joie. Le chemin de la croissance personnelle est généralement jonché de toutes sortes de coquilles vides, il est bon de les laisser derrière nous.






Leave a comment